Biais médiatique et plaidoyer pour l’extrême centre

Je dis souvent que les médias sont le nerf de la guerre dans une société! Pour cette raison c’est un sujet primordial et qui me tient particulièrement à cœur, et que depuis longtemps je voulais aborder dans mon blogue. 

Lors de ma visite au Salon du Livre de Québec, «Plaidoyer pour l’extrême centre», d’Hélène Buzzetti, paru fin 2022, a piqué ma curiosité. Mme Buzzetti est une journaliste d’expérience qui a travaillé comme correspondante parlementaire à Ottawa pendant plus de vingt ans pour Le Devoir, ainsi qu'une chroniqueuse et analyste politique régulièrement invitée aux émissions d'affaires publiques de Radio-Canada. Elle enseigne également à l'Université du Québec en Outaouais comme chargée de cours en communication et journalisme. Une dame pour le moins compétente et crédible. J’ai d’ailleurs eu le plaisir de jaser avec elle en séance de dédicace et je l’aurais écoutée pendant des heures! J’ai tellement aimé son livre que j’ai décidé d’en parler ici, ce qui m’a donné l’occasion et l’élan pour enfin écrire sur mon sujet!

Voici donc un résumé de son livre, auquel j’ai évidemment ajouté quelques commentaires personnels. C’est un bouquin qui se lit bien et dans lequel, en bref, Mme Buzzetti pointe du doigt certaines dérives idéologiques médiatiques et en appelle à un plus grand équilibre du discours gauche droite. J’espère par ce texte contribuer à faire réaliser aux gens la situation qui prévaut ainsi qu’à aiguiser notre esprit critique envers le traitement de l’actualité qu’on nous sert. (*Les citations tirées du livre seront en caractères gras.) 
Alors plongeons dans l’univers médiatique! 

Et ça commence en force: «Nous l’avons dit, le système médiatique affiche un a priori plus positif envers les idées de gauche qu’envers celles qui s’en veulent la réaction.»  «Pour résumer, ceux dont c’est le travail de parler de la société sont coupés de pans entiers de cette société à cause de leur éducation, de leur situation économique et de leur environnement sociologique. Ce statut privilégié imprime sur les journalistes un biais qui a tendance, oui, à être plus progressiste ou de gauche» écrit Mme Buzzetti.

Voilà, c’est dit: les journalistes et la presse sont de façon générale campés à gauche. Wow, un constat que bien peu de sa confrérie journalistique font, ou avouent! Et un constat qui redonne un peu espoir à ceux davantage à droite (comme moi!), qui depuis longtemps se désolent et s’inquiètent de la sous-représentation de leurs idées plus conservatrices et libérales (dans le sens philosophique du terme, pas les partis) dans les médias mainstream

Sophie Durocher confirmait ce biais dans l’un de ses articles cet été: «Le discours de gauche est dominant à 99% au Devoir, à La Presse et à Radio-Canada- où Pénélope McQuade affirmait récemment que c’est le mandat de son émission d’être «progressiste.» 

Guy Nantel (mon péquiste préféré!) le confirme également dans son «Livre offensant»: «Nommez-moi un seul animateur, journaliste, chroniqueur, analyste ou artiste invité régulièrement sur les ondes publiques qui se situe ouvertement à droite sur l’échiquier politique. Je n’en connais aucun. Zéro. Pourtant ils sont des dizaines à s’afficher ouvertement à gauche, parfois même radicalement à gauche. Un étranger qui ne connait rien à la politique d’ici et qui écouterait certaines émissions aurait l’impression que les trois quarts des québécois votent pour Québec Solidaire.»  Ça ne saurait être plus clair! Que ceux qui doutent encore relèvent le défi.

J’ajouterais que non seulement nos médias de masse sont campés du même côté, en plus ils se prétendent neutres!! Rien de sain pour une démocratie. Et étant donné l'influence qu'ils ont, je suis totalement convaincue que le paysage politique québécois serait différent avec des médias plus équilibrés. 

Je trouve que la regrettée Denise Bombardier avançait, dans son livre "Dictionnaire amoureux du Québec", une hypothèse intéressante sur l'origine de cette concentration à gauche, en particulier à Radio-Canada. Elle décrivait les débuts de la télévision comme un véritable instrument de changement social dans les années 50, où le Québec, disait-elle, était "une société gouvernée par un politicien autoritaire qui se moquait des poètes et des gens qui avaient trop d'instruction, tous des "pelleteux de nuages." Avec l’arrivée de Radio-Canada, "tous les artistes et les "trop instruits", farouches opposants pour la plupart au gouvernement québécois de Maurice Duplessis, se précipitèrent donc aux portes de la télévision naissante, cette fenêtre exceptionnelle qui échappait au contrôle (de Duplessis). Sans exagérer, l'on peut dire que tous les progressistes (...) trouvèrent à la télévision de Radio-Canada la tribune inespérée pour véhiculer leurs idées." 

Mais pourquoi diable les journalistes ont-ils généralement cette propension à traiter de manière injuste les idées et préoccupations conservatrices ou de droite ?? Mme Buzzetti offre une réponse:  «Quatre facteurs peuvent l’expliquer: l’émotion, la paresse/le manque de temps, la peur et la richesse.»  
Désolant. Et retrouver la peur parmi ces raisons est tout simplement dramatique. Oui les journalistes ont peur. Ils craignent d’aller à contre courant ou de déplaire aux lobbys qui pourraient leur empoisonner la vie. «Alors on se tait.» Les journalistes choisissent donc non seulement les sujets dont ils vont traiter, mais aussi ceux qu’ils éviteront de traiter. Je peux les comprendre. Mais my god, de la peur et de l’autocensure... dans une société où règne supposément la liberté d’expression... n’est-ce pas troublant?
Ces paramètres qui encadrent la profession peuvent effectivement expliquer ce manque de contrepoids... sans toutefois à mon avis le justifier. Car les médias n’ont-ils pas le mandat de nous livrer une information juste et complète? Ne sont-ils pas les chiens de garde chargés de questionner et critiquer les décisions gouvernementales de façon impartiale? Les médias ne sont-ils pas censés représenter une diversité d’opinons??

Parlons-en de la diversité d’opinion oui... Ici Mme Buzzetti nous entretient longuement de la pandémie, car très révélatrice. Déjà que l’insatisfaction était grande envers les médias, la pandémie est venue tout exacerber. « Le système médiatique, déjà réfractaire aux idées conservatrices, s’est montré carrément hostile au contre-discours pandémique.» Ce qui a culminé par l’avènement des camionneurs... 

Des gens qui, somme toute, ne réclamaient qu’un relâchement des mesures sanitaires. Or ils n'étaient même pas arrivés à Ottawa que déjà leur procès était terminé et le verdict prononcé, unanime: il s’agissait de complotistes, d’extrémistes, d’imbéciles. Il fallait les tasser au plus vite, sans même s’intéresser à leur message. (La question ici n’est pas de savoir si on est pour ou contre le mouvement des camionneurs, c’est de la couverture médiatique dont on parle.) Mme Buzzetti écrit sagement que  «Le message des camionneurs et de leurs sympathisants était simple et se défendait. Mais parce que certains éléments radicaux se sont greffés au mouvement, on a tôt fait de le discréditer dans son entier. Pourtant, on ne saute pas aussi vite aux conclusions lorsque ce sont les progressistes qui sont noyautés par des éléments plus agités.»  

Tiens tiens... du deux poids deux mesures... un respect et un niveau de tolérance très variables selon les causes défendues... Nullement surprenant. Oh que non, toutes les personnalités, ou toutes les idées, ne suscitent pas le même intérêt ou ne reçoivent pas le même traitement médiatique! Je pourrais vous donner des dizaines d'exemples mais en voici deux que personnellement j'avais trouvé particulièrement flagrants: j'ai souvent vu des drapeaux communistes et des pancartes anarchistes dans des manifs pour l'environnement; j'ai vu de la violence, du vandalisme et même le salut nazi à plusieurs reprises lors des manifs étudiantes... pourtant je n'ai pas entendu grand monde écorcher les groupes écologistes ou le mouvement des carrés rouges, en tout cas jamais, jamais à la hauteur de ce qui a été dit et écrit contre le convoi des camionneurs. 
 
Mme Buzzetti parle aussi de Trump. Je ne suis pas fan de Trump mais j'ai toujours pensé qu’il n’avait que canalisé ceux qui voulaient faire un pied de nez aux "élites" qui ne parlent plus le même langage que le peuple, et j’ai toujours pensé que ceux qui crachent sur Trump devraient se questionner sur les causes qui ont engendré ce phénomène. Madame Buzzetti abonde dans le même sens. Qu’on parle de Trump, des camionneurs ou d’autres mouvements populaires, «ils apparaissent comme une réponse à un besoin de libérer la parole face à une classe journalistique qui ne s’acquitte plus de sa tâche d’animer de manière responsable le débat public en abordant tous les angles envisageables, même les plus malaisants.» Et cette excellente observation: «La radicalisation de la droite qui pointe à l’horizon n’a en fait d’égal que la radicalisation de la gauche qui l’a précédée.» (Lire ici le wokisme...)
(Parlant de Trump, une petite parenthèse pour illustrer: vous connaissez surement le mur entre les États-Unis et le Mexique, le fameux «mur de Trump». Vous croyez que c'est Trump qui l'a bâti? Eh bien non: le mur a commencé sous Clinton et continué sous Obama. C’est donc autant leur mur que celui de Trump! Peu de gens le savent car on en a peu entendu parler. Voilà un bon exemple du travail que nos médias peuvent faire... "passer vite" ou "oublier" un côté de la médaille... du mensonge par omission en quelque sorte.) 

Je publiais en 2021 dans ce blogue un «post mortem» sur la gestion de la covid, un article en 2 parties, encore s'a coche à mon avis et dont je suis fière, que vous pouvez lire ici et ici. (Oui je me lance des fleurs. C’est important des fois de se lancer des fleurs, non? Sinon qui le fera?!) Un article, donc, dans lequel j'écrivais que les médias avaient été mon principal irritant, bien au-delà des mesures auxquelles je m’étais plutôt bien accommodée... où j'écrivais que j’avais trouvé fort préoccupant qu’aucun élu n’ait cru bon débattre des différentes options s’offrant à nous et que les médias avaient également gardé un silence radio là-dessus... et où j'écrivais que marcher hors des sentiers battus est toujours difficile, mais particulièrement au Québec où les médias aiment beaucoup, beaucoup ça la pensée unique. En toute franchise, je l'ai encore sur le cœur. Par son livre, Mme Buzzetti vient confirmer mon impression et de ce fait vient apaiser un tant soit peu mon amertume. 
 
Elle ajoute que «Cette incapacité grandissante des médias de masse à aborder certains angles plus inconfortables des enjeux de l’heure engendre une crise de confiance majeure.» Quand un sujet est "tabou", systématiquement évité, facile en effet de conclure qu'on nous cache quelque chose... Peut-on ensuite se surprendre des théories du complot apparues lors de la pandémie? Peut-on se surprendre que plusieurs sondages montrent que de moins en moins de gens jugent fiables les médias «traditionnels», et que ces derniers sont graduellement délaissés au profit de médias alternatifs? 

Mme Buzzetti apporte de plus dans son livre un point de vue intéressant sur les conservateurs:  «Ce n’est pas toujours facile d’être un conservateur. (Vous dites!!!) Il se place en position de désavantage structurel vis-à-vis les utopies aussi fausses qu’attrayantes du progressisme moderne. Les conservateurs doivent être ceux qui posent des questions à propos des prix, des coûts d’opportunité et des conséquences non intentionnelles. Cela risque invariablement de sonner un peu négatif ou démoralisant.» Elle amène aussi une excellente réflexion sur le populisme, qualificatif dont sont souvent taxés la droite et les conservateurs: «Le populisme entend donner au peuple ce qu’il désire tandis que l’élitisme aspire à améliorer ce peuple. L’un veut contenter et satisfaire, l’autre veut élever et parfaire. Malgré la connotation péjorative qu’on lui fait revêtir ces jours-ci, le populisme n’est pas inférieur à l’élitisme. Les deux forces sont complémentaires, c’est-à-dire d’égale nécessité.» Définitivement une citation à retenir.

En terminant, bravo et merci à Mme Buzzetti! Lire une telle réflexion provenant d’une représentante de notre élite médiatique me surprend (et me satisfait) énormément. Elle fait montre par son ouvrage d’une rationalité, d’une autocritique et d’un courage dont bien peu sont capables. 

La droite et la gauche, tels le yin et le yang, sont complémentaires et essentielles au bon fonctionnement d’une société. Bien qu'aucune ne soit parfaite, aucune ne doit être ignorée ou méprisée. De nombreux changement devront donc s’effectuer dans nos médias. 
Sauf que... je me demande si cette volonté de changement existe au Québec. Le Québec, qui fait habituellement passer la logique et la raison loin derrière les émotions, sera-t-il capable d’un tel examen de conscience? Sera-t-il capable de prendre acte de ses travers et de corriger le tir? J’aimerais ne pas en douter.









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