Syndicats, le bon et le moins bon

La raison d'être

La fonction première des syndicats est évidemment de défendre les conditions de travail de leurs membres et d'en permettre l'amélioration (salaires, avantages sociaux, congés, santé/sécurité, etc). La présence syndicale offre des conditions qu'un employé seul n'aurait peut-être pas pu obtenir, en particulier dans les milieux où le personnel est facilement remplaçable.
Les syndicats se battent contre le favoritisme et l’arbitraire. Avec un syndicat, les règles sont bien définies. Le salaire se fixe dans la convention, les augmentations se négocient collectivement et il existe un droit d’ancienneté. 

Je fais partie des syndiqués de la fonction publique et, ma foi, je suis bien contente de sentir cette force syndicale derrière moi. Je trouve rassurant de savoir que toute une équipe de représentants surveille mes intérêts. 

Essentiel?

Est-ce à dire que sans syndicat point de salut? qu'un syndicat est absolument nécessaire pour qu’un employé soit respecté? Absolument pas. 

Dans un contexte où la main d'œuvre qualifiée se fait rare et où les employés sont mobiles, un employeur qui veut retenir ses bons éléments se doit de leur offrir un environnement de travail sain et stimulant.  
Normalement, non seulement un employé a intérêt à bien travailler s'il veut conserver son emploi (dans le cas où n'y a pas de sécurité d'emploi…), mais l'employeur a intérêt à bien le traiter s'il veut le retenir! Le style de gestion autoritaire est dépassé et de plus en plus de patrons se soucient réellement des besoins de leurs employés. C'est donnant-donnant.

Souvenons-nous aussi que nous avons au minimum les Normes du Travail qui encadrent les horaires, le salaire, les congés, et où sont également prévus des règlements en cas de harcèlement, d'abus, de licenciement injustifié, etc. 
(Bien sûr que les Normes du Travail pourraient être bonifiées. Tout le monde ne mériterait-il pas les conditions des syndiqués?!)

La contrepartie

Certes les syndicats amènent davantage d'égalité entre les travailleurs. Sauf que cette égalité a une contrepartie : elle offre peu de possibilités d'améliorer sa situation et peu d'incitatifs à se surpasser. Pensons au nouvel employé motivé qui se fait dire par ses collègues "Va pas trop vite" ou "Fais-en pas trop"… Des conditions uniformes découragent l'ambition, le perfectionnement ou la performance, et peuvent s’avérer pénalisantes pour les meilleurs. Ce qui au final crée une certaine forme de nivellement par le bas, surtout lorsque les employés savent très bien qu'ils ne peuvent pas perdre leur emploi…

Trop c'est comme pas assez

Aussi, malheureusement, les syndicats vont parfois jusqu'à défendre l'indéfendable. On se souviendra tous de la préposée aux bénéficiaires qui avait maltraité un vieillard, ou du chauffeur surpris en état d'ébriété au volant d'un autobus rempli de passagers. Deux exemples extrêmes, mais deux syndiqués vigoureusement défendus par leur syndicat. Une "solidarité" que je trouve excessive et inacceptable. 
Des employés fainéants, « fouteux de trouble » ou négligents sont souvent protégés par la convention collective. Un syndiqué incompétent peut en théorie être renvoyé... mais à moins de faire face à des accusations criminelles je ne suis pas certaine que ça se soit déjà vu, du moins pas dans la fonction publique!

Formule Rand

La formule Rand s'applique au Québec depuis les années 1970. Elle implique que lorsqu'un environnement de travail devient syndiqué, l'employeur doit prélever à la source une cotisation syndicale à TOUS les employés.  Autrement dit, dès que le syndicat entre dans votre entreprise vous êtes obligé de payer la cotisation, que vous vouliez être syndiqué ou non. Cette obligation se fonde sur l’argument selon lequel tous les employés profiteront des gains obtenus par le syndicat. 

Plusieurs personnes souhaiteraient l'abolition de la formule Rand.  Pas moi. Parce que je crois qu'effectivement les employés non syndiqués finiraient par bénéficier eux aussi des actions du syndicat au sein de leur entreprise. 

Syndicat ou lobby?

On en arrive au point principal de ma critique : le fait que les syndicats fassent de la politique. Les syndicats exercent une influence sur les politiques publiques et participent aux débats, et le président d'une grande centrale syndicale a même déjà dit qu'il passait autant de temps à défendre les intérêts des québécois que ceux de ses membres! (Il parlait entre autres de leur prise de position contre l'austérité ou celle en faveur d'un réseau nationalisé de garderies.)

En effet, comme membre, je vois régulièrement passer des appels à la mobilisation et des invitations à participer à des manifestations ou à signer des pétitions. Sans parler des campagnes électorales, où passent des messages plus ou moins subtils me suggérant pour qui voter, ou plutôt pour qui ne pas voter...

Des exemples de causes auxquelles mon syndicat s'intéresse, en veux-tu en vlà: 
- environnement, féminisme
- économie, services publics, lutte à la pauvreté
- homophobie, diversité, souveraineté des peuples
- politique internationale, accords de libre-échange, etc.

On est loin des préoccupations de la job n'est-ce pas?!!

La ligne semble décidément bien mince entre un syndicat qui outrepasse son mandat de représentation des travailleurs… et un lobby un peu spécial dont on devient membre malgré nous. 

Légitimité contestable

Ce type d'actions sociales et politiques est-il légitime? Dans mes livres à moi non!! 
Pour deux raisons.

Premièrement, parce qu'il s’agit d’activités non directement reliées aux relations de travail. Car l'esprit de la formule Rand, ce qui l'a justifié à l’origine, c'est qu'il n’était question que de convention collective. La cotisation est devenue obligatoire parce que la Cour a jugé que les actions du syndicat profiteront indéniablement à l'ensemble des employés... et non parce ça profitera de leur point de vue à l'ensemble de la société. Cette nuance fait toute la différence. C'est pourquoi à mes yeux l'activisme politique des syndicats constitue un détournement pur et simple à des fins idéologiques d'une contribution devant servir aux strictes activités de représentation des travailleurs. 

Deuxième raison: parce que le syndicat peut se positionner contre les valeurs de certains de ses membres. Situation très frustrante, je peux en témoigner! Si vous avez lu les autres textes de mon blogue, vous savez à quelle enseigne je loge et vous devinerez que les opinions de mon syndicat ne vont pas souvent dans ma direction...
Je vous donne un exemple : les grèves étudiantes de 2012. J'étais du côté des carrés verts. Sauf que, de par ma cotisation syndicale, je me trouve à avoir appuyé les carrés rouges!! On discute rarement politique entre collègues, mais cette fois-là laissez-moi vous dire que la position du syndicat avait fait jaser et que je n'ai pas été la seule à l'avoir avalé de travers.

Bref, les syndicats devraient s'en tenir à leur mission première de relations de travail/convention collective. Ou alors la partie "mandat social et politique" devrait être financée par une cotisation distincte et volontaire. 

Mais bon, ce mandat étendu que les syndicats se donnent serait non seulement toléré mais tout à fait légal. Il n'en demeure pas moins que leurs actions gagneraient en légitimité et en représentativité si elles étaient d'abord soumises au vote de leurs membres.


En résumé, les syndicats ont contribué, et contribuent encore, à la protection des salariés et à l'avancement des normes du travail. Ils ont définitivement leur place dans notre société. Néanmoins ils devraient réviser plusieurs de leurs pratiques. Car autant les syndicats ont joué un rôle primordial à l'époque où les travailleurs étaient carrément exploités par les patrons, autant le balancier me semble aujourd’hui aller trop loin de l’autre côté.



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