Aide médicale à mourir

Aide médicale à mourir... sujet on ne peut plus personnel et sensible. Un sujet qui me tient à cœur.

L’aide médicale à mourir consiste en l’administration volontaire de médicaments dans le but d’entrainer le décès, à une personne qui en fait la demande afin de soulager ses souffrances. Le recours à ce soin est strictement encadré et balisé par la loi. Elle est légale au Québec depuis 2015 et est, de ce que je constate, bien en phase avec notre société. L’aide médicale à mourir est considérée comme faisant partie du continuum de soins lorsque l’accompagnement ou les soins palliatifs ne suffisent plus. Le nombre de gens qui s’en prévalent augmente chaque année depuis son adoption. Avec raison. Lorsque la médecine a atteint ses limites, lorsqu’elle ne peut plus ni guérir ni soulager, quelle chance nous avons de pouvoir choisir une mort plus douce, de pouvoir choisir le moment, les circonstances et qui sera à nos côtés.

Il est documenté que le simple fait d’avoir l’assurance de pouvoir en finir au moment voulu réconforte grandement plusieurs malades, que savoir qu'il existe une «porte de sortie» contribue à diminuer l'angoisse inhérente à toute maladie grave. J'ai lu et entendu des tonnes de témoignages de patients, d'intervenants ou de gens dont un proche est décédé via l'aide médicale à mourir, et unanimement ils décrivent des moments de calme, de bienveillance, de sérénité. Un médecin dit "L'aide médicale à mourir est un vrai soin. Le dernier. Le plus beau.

La loi sur l’aide médicale à mourir a été modifiée en 2021 pour y inclure les gens dont la mort n’est pas «raisonnablement prévisible». Le Québec l’élargira aussi vraisemblablement sous peu (si ce n’est déjà fait) aux personnes souffrant d’Alzheimer ou de démence -peut-être via une demande anticipée- ainsi qu’aux personnes atteintes d’un handicap sévère et incurable. À mon sens une très bonne chose. Une option tout à fait souhaitable, voire une bénédiction, devant une qualité de vie jugée médiocre, irrémédiablement. Notons ici que le fait d’offrir cette possibilité ne signifie pas pour autant inciter les gens à y avoir recours, et qu’avoir cette possibilité ne signifie pas devoir y recourir. 

Il se discute aussi, et c’est le sujet principal de ce texte, de l’élargir aux personnes dont le seul problème médical est une maladie mentale. Un débat déchirant, certes, mais important. Tant Québec qu’Ottawa se penchent actuellement sur la question. Les gens ayant comme seul diagnostic un trouble mental devaient en théorie y avoir droit à partir de ce mois-ci (mars 2023), mais l’entrée en vigueur de cette nouvelle politique a été reportée à l’an prochain. Davantage de réflexion fut nécessaire afin de s'assurer que l’aide médicale à mourir soit administrée de manière sécuritaire et cohérente étant donné ces circonstances souvent plus complexes et plus difficiles.  

Personnellement je suis en faveur de l'aide médicale à mourir pour les troubles mentaux. Avec restrictions et balises rigoureuses évidemment. Et je suis bien contente de voir que le Collège des médecins du Québec ainsi que l’Association des médecins psychiatres du Québec approuvent également cet élargissement des critères. Bien sûr on ne parle pas de patients en crise aigüe ou en dépression passagère, et bien sûr cela ne devrait pas être vu comme une solution faute de soins ou de soutien.
 
Refuser l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale équivaut à leur dire «Ton problème, toi, il se règle des fois. Alors continue, ça peut s’arranger.» 
«Ah oui, ça peut s’arranger? Quand? Comment?» doivent-elles se dire, «Combien de temps encore je dois souffrir pour que vous considériez mon état intolérable et irréversible?» 

On voit nettement un clivage avec la maladie physique. Et ensuite on viendra se plaindre des préjugés face à la maladie mentale! Certains psychiatres pensent d’ailleurs que refuser l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de troubles mentaux contribue à leur stigmatisation. Ils signalent également que cela peut contribuer à minimiser leur souffrance et à renforcer le mythe selon lequel elles pourraient guérir si elles faisaient plus d’efforts. 

N’est-ce pas la personne elle-même qui est la mieux placée pour évaluer sa douleur, tant psychologique que physique? N’est-ce pas la personne elle-même qui est la mieux placée pour décider si sa vie vaut encore la peine d’être vécue? J’ai confiance aux professionnels et spécialistes qui sauront juger de la situation et de la capacité décisionnelle du malade, même si les zones grises peuvent être nombreuses en santé mentale.

Certains agiteront l’épouvantail que nous entrons dans un engrenage, ou que nous en arriverons un jour au suicide sur demande. Je n’y crois aucunement. Je ne crois pas non plus que c'est un moyen trouvé par le «système» de se dégager de la prise en charge des patients. De plus, l’argument des dérives présuppose la complicité des élus, des gestionnaires du réseau de Santé, des médecins, du personnel médical ainsi que de l’entourage des patients, chose que je trouve hautement improbable. 

Le risque de dérapages est évidemment toujours présent et il faut garder l'œil ouvert, mais à trop nous attarder sur cet aspect nous ne ferons jamais rien. Même que la loi initiale sur l'aide médicale à mourir n'aurait pas vu le jour. Personnellement je suis prête à prendre le risque. Je préfère accepter la demande de souffrants qui auraient peut-être pu guérir... que refuser la demande de souffrants qui jamais ne se sentiront mieux. 

Dans mes livres à moi, lorsque la vie n'est plus un bien, la mort n'est plus un mal.




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