Pour le bien de la terre

Agriculture et environnement. Mon intérêt pour ces sujets ne date pas d’hier! On sait que les pratiques agricoles ont un lien direct avec l'état de nos sols, de nos plans d’eau, de nos récoltes et ultimement notre santé, et c’est pourquoi j’ai voulu aujourd’hui vous présenter le livre de Louis Robert* «Pour le bien de la terre», un ouvrage instructif et fort intéressant qui conjugue ces deux enjeux primordiaux.

L’auteur, un agronome d’expérience, y décrit l’état de notre agriculture québécoise. Mais surtout il dénonce publiquement le fait que l’industrie des engrais et des pesticides exerce une influence sur la recherche et les grandes orientations de nos politiques agricoles, ce qui peut interférer avec l’intérêt public.
Cette dénonciation a valu à M. Robert, surnommé «L’agronome lanceur d’alerte», de nombreuses tribulations, dont le congédiement de son poste au MAPAQ (Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec).**

«Ouin mais c'est quoi le lien? En quoi cela nuit-il à l’environnement?», me demanderez-vous? 
Le lien, c’est que ces ingérences indues des industriels peuvent empêcher une meilleure pratique agro-environnementale!
- Au niveau de la recherche
Un exemple frappant et qui avait fait les manchettes: une chercheuse avait conclu que, avec ou sans l’utilisation de certains types de pesticides (qualifiés de «tueurs d’abeilles»), les rendements étaient les mêmes. Ce qui signifie que non seulement lesdits pesticides nuisaient à l'environnement, mais en plus qu'ils étaient inutiles! Or ces résultats n’ont été publiés que deux ans plus tard... parce que certains représentants de l’industrie et certaines fédérations de producteurs tenaient à protéger le lucratif marché des semences enrobées de ces produits. Une enquête a par la suite révélé que cette chercheuse avait bel et bien subi des pressions pour camoufler ses résultats.
- Au niveau du service conseil aux agriculteurs 
Au Québec, de nombreux agronomes portent deux chapeaux : celui de la représentation et celui du service conseil. Oui, un agronome lié à une compagnie de pesticides peut être celui qui conseille les agriculteurs! Une pratique qui le place en conflit d’intérêts... mais une situation acceptée par l’Ordre des Agronomes du Québec. Une pratique «institutionnalisée», dit M. Robert.
Il dit encore : «Si l'Ordre avait agi vlà 30 ans, on n'aurait pas les résultats déplorables d'aujourd'hui.»
 
Bref, mauvaise gestion, conflits d’intérêt, irresponsabilité, laxisme. 

Le but de mon texte est évidemment de partager les inquiétudes et l’important constat de M. Robert, mais aussi d’évacuer un peu ma frustration lorsque je vois la paresse et l'incohérence de nos élus en matière d’environnement! Tous bin bons pour s’égosiller sur les changements climatiques ou pour donner des leçons de vertu à nous les citoyens... mais totalement inertes quand vient le temps de nettoyer leur propre cour ou de s’attaquer à un problème de fond. Ça me met hors de moi. 

Scientifiques et écologistes implorent depuis longtemps des changements de pratiques agricoles afin de protéger l'environnement. Vous vous souvenez de la crise des algues bleues à Toledo il y a une dizaine d'années? La ville avait été privée d’eau potable pendant des jours car le lac Erié, d'où elle s'approvisionne, était frappé d'une incroyable prolifération d'algues bleues qui bouchaient conduits et filtres et qui contaminaient l’eau par leurs toxines. On a attribué la source du problème au... ruissellement excessif d’engrais agricoles. 

Les choses peuvent et doivent se faire autrement. Et ça passe par la volonté et le courage politique. 
Dans le dossier qui nous intéresse, M. Robert suggère des solutions afin que les avancées scientifiques puissent plus facilement se concrétiser sur le terrain:
- action et engagement de la part du MAPAQ, ainsi que des décisions orientées selon les conclusions des recherches et non selon les «inconforts» des «partenaires»;
- interdire aux agronomes liés à la vente d’intrants (engrais, pesticides ou machineries agricoles) de préparer des plans environnementaux de fertilisation;
- empêcher la participation de représentants de l’industrie aux comités d’élaboration des normes en phytoprotection et fertilisation;
- réintroduire et/ou bonifier le service conseil public du MAPAQ à faible coût pour les producteurs;
- mettre en pratique une multitude de techniques bien développées et déjà validées, qui non seulement peuvent diminuer considérablement l’usage de pesticides dans les fermes, mais qui peuvent être adoptées sans que ça génère des coûts importants pour le producteur.

Je ne suis bien sûr pas une experte dans le domaine, mais tout cela me parait tomber sous le sens. J’en appelle donc nos dirigeants à agir. Parce que la protection de l'environnement ne se limite pas à calculer les GES (gaz à effet de serre) ou à jaser transport collectif...

Je conclue de la même façon que Louis Robert conclue son bouquin: 
«Il n’arrive donc à personne de faire le lien entre la terre et le contenu de nos assiettes?»




*Louis Robert, maintenant retraité, a été agronome au MAPAQ durant 35 ans. Spécialiste de la gestion des sols, il a prononcé plus de 600 conférences et signé plus de 300 articles sur le sujet.

** Le protecteur du Citoyen a plus tard blâmé le ministre et ses hauts fonctionnaires pour ce congédiement injustifié. François Legault a même présenté des excuses au nom de l’État québécois. M. Robert a finalement pu réintégrer son poste... des mois après.

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